Thales ou la transformation sans envie

Nous avons vu dans l’article précédent comment Christian Blanc avait su transformer Air France en consultant les salariés, en prenant en compte leurs aspirations et en leur donnant envie.

Mais est-ce toujours le cas ?

 

« Ambition SG 2015 » pour la Société Générale, « Championship » chez DCNS, « Probasis » chez Thales, « Ambition 2015 » pour la Poste, « Transforming » chez Sanofi, « Ipsen Up » chez Ipsen, « Fitness » pour TF1, etc. Pas un secteur n’y échappe, toute entreprise le sait : subsister ne dépend que de sa capacité à se transformer. Non pas se transformer une fois tous les dix ans quand on est au bout du rouleau comme le fit Air France : désormais, les entreprises performantes ne ferment jamais le chantier de leur transformation parce que le monde économique est en mouvement permanent ; les nouvelles concurrences et le déferlement d’innovations redistribuent sans cesse les cartes et multiplient les défis.

 

Mais le font-elles comme il faut ? Non, mille fois non ! Elles ont oublié l’essentiel, le moteur nécessaire à l’acceptation enthousiasme du changement : L’ENVIE. Les entreprises construisent leurs transformations sur la raison. La matière grise domine et le cœur est absent. Donner envie, créer du rêve, faire aimer l’avenir ne font pas partie des stratégies. Tout pour l’hémisphère gauche et tant pis pour le droit. Alors que l’Envie est le plus fantastique moteur de l’action, et que chacun sans exception en rêve.

Une transformation sans Envie, c’est une chanson sans musique, et l’on doit bien constater que nos dirigeants, et principalement les directions des ressources humaines, ont égaré leurs partitions et qu’ils sont sans doute dépourvus d’oreille.

 

La transformation de Thales est à cet égard exemplaire. Ce fut une exceptionnelle réussite d’un point de vue industriel, mais un triste échec humain. Thales est sans conteste l’une des plus belles entreprises mondiales par son extraordinaire capacité à innover, et l’une des plus passionnantes par les enjeux qui lui sont proposés et les opportunités qu’elle peut saisir.

Thales est un spécialiste mondial de l’électronique de défense et de sécurité, qui emploie 68 000 collaborateurs, dont 25 000 chercheurs dans 56 pays. Elle conçoit et produit des équipements, des systèmes et des systèmes de systèmes dans des secteurs très diversifiés. C’est elle qui réalise toute l’avionique des Airbus, les systèmes de sécurité des contrôleurs aériens mais aussi ceux des transports ferroviaires. Elle conçoit et produit les satellites de télécommunication et ceux de la météo. Elle propose les radars que l’on trouve dans les avions, au sol pour protéger les frontières et sur les bateaux. C’est encore elle qui fabrique les sonars embarqués sur les sous-marins. Elle assure également la sécurité du cyberespace et réalise plus du tiers de la valeur ajoutée du Rafale.

Thales est l’un des rares industriels au monde à étendre son activité dans tous les environnements : l’air, la terre, la mer, le milieu sous-marin, l’espace et le cyberespace. C’est le diamant de l’innovation technologique, de l’intelligence à l’état pur.

Mais c’est aussi une aventure humaine avec son histoire, ses excès et ses imperfections, ses hauts et ses bas. Quand, en 2009, Dassault rachète la participation d’Alcatel qui lui permet de détenir 26 % du capital du groupe (l’État en possédant 27 %), on tend plutôt vers le bas. Le chiffre d’affaires stagne et la rentabilité du groupe est deux fois inférieure à celle des leaders du secteur. Dassault ne peut l’accepter et obtient la tête de Denis Ranque, le charismatique président de Thales.

Le remplacer ne sera pas simple. Après de longues tractations et beaucoup d’échecs, enfin la fumée blanche : les deux actionnaires s’entendent sur le nom de Luc Vigneron, alors président de Nexter, autrefois GIAT Industries, tristement célèbre pour les déboires du char Leclerc, ses troubles sociaux particulièrement violents et les sommes faramineuses qu’elle avait coûtées à la nation. Vigneron avait eu le mérite de redresser d’une main de fer cette entreprise d’armement terrestre et de la rendre profitable, alors que personne n’aurait osé l’espérer.

 

En mai 2009, Luc Vigneron prend donc ses nouvelles fonctions, mais c’est un président mal né. Tout le monde sait qu’il est un « choix faute de mieux », car le conseil d’administration n’est pas parvenu à se mettre d’accord sur un nom plus prestigieux, chacun craignant que le groupe soit dirigé par un homme du camp d’en face. Mais surtout l’establishment, et particulièrement les barons du groupe, n’éprouve guère d’estime pour ce « petit président » issu d’une entreprise plutôt franco-française n’atteignant pas 900millions d’euros de chiffres d’affaires quand Thales en totalisait 17 milliards sur tous les continents.

Dès sa nomination, véhiculée entre autres par ceux qui n’ont pas eu la place, la rumeur court dans les cabinets ministériels et les dîners parisiens que le costume est trop grand pour lui.

Or Vigneron est en fait beaucoup plus armé que l’on voudrait le faire croire. À son actif, il est pourvu d’une intelligence stratégique redoutable et d’une forte capacité de projection. C’est un énorme travailleur et il connaît tous ses dossiers dans les moindres détails. Autre qualité, le produit le passionne et en à peine quelques mois, il saura tout des quelques milliers de références proposées par son groupe. Sa détermination est sans faille, comme sa loyauté et son intégrité. Même si c’est lui qui décide en dernière instance et s’il est têtu comme une mule, il sait écouter avant de trancher.

Malheureusement, il y a un passif, et celui de Vigneron est lourd pour qui entend diriger des hommes. L’hémisphère droit n’est pas son fort. Pour lui, le monde est une équation. Il y a le vrai ou le faux, le noir ou le blanc, le gris n’existe pas. La motivation des équipes ? Balivernes, elles sont payées pour faire leur travail. Tout chez lui est animé par le sens du devoir. La communication ? Une perte de temps coûteuse, il a la phobie de la dépense. La rumeur court même qu’il ne supporte pas d’être invité dans un restaurant disposant d’un voiturier, de peur d’avoir à dépenser dix euros. Sa voiture de fonction est une vieille Mégane, quand ses cadres supérieurs roulent en Mercedes, en BMW ou autres 607. Il a toujours refusé d’avoir un chauffeur jusqu’au moment où, pour des raisons d’évidente sécurité, ses actionnaires l’y ont contraint.

Voilà l’homme qui prend ses fonctions en mai 2009. Il s’enferme dans son bureau, fait monter les dossiers et commence à découvrir beaucoup de choses qui ne lui plaisent pas du tout. Les process d’évaluation des risques et de contrôle, lors de la négociation des contrats, sont calamiteux. Chaque société du groupe, qui en compte des dizaines, a conservé ses propres méthodes, et rien n’est consolidé. Si bien que nombre de deals perdent de l’argent ou sont susceptibles d’en perdre. Trois d’entre eux, dont l’avionique de l’A 400M, le gros-porteur d’Airbus destiné aux armées, totalisent 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires mais perdent… 1,3 milliard. L’informatique du groupe date de Mathusalem, au point que les collaborateurs d’un site ne peuvent se connecter quand ils se déplacent sur un autre. Un comble quand on est un génie de l’informatique.

Les six divisions du groupe vivent en silo avec leur recherche et développement intégrés, leurs propres équipes marketing et commerciales et leurs implantations dans chaque pays. De sorte qu’elles n’hésitent pas à se faire concurrence quand elles devraient s’entraider. Et ainsi de suite, jusqu’aux frais de représentation de ses dirigeants qui lui restent au travers de la gorge (mais on a vu que sur ce sujet sa sensibilité est maladive), en passant par les contrats de consultants qu’il trouve aussi dispendieux qu’inutiles. Il déteste les consultants et les avait déjà chassés de GIAT Industries, comme de vulgaires marchands du temple.

Avec son génie de l’organisation et son implacable lucidité, Luc Vigneron va se mettre immédiatement à la tâche et jeter les bases d’un plan de transformation extrêmement ambitieux et tellement juste qu’en moins de trois ans, l’entreprise sera remise sur les rails et redeviendra digne de l’exceptionnel talent de ses ingénieurs et de ses chercheurs. Malheureusement, il oubliera une chose essentielle : faire adhérer ses troupes.

 

Ce plan repose sur deux grands volets : Probasis, une révision globale des fondamentaux de l’entreprise pour restaurer la performance, et une remise à plat de l’organisation pour lui permettre de faire face aux nouvelles conditions du marché.

Probasis s’articule autour de neuf chantiers, dont la refonte complète et l’unification des processus de réponse aux appels d’offres, de reporting et de contrôle ; une démarche de lutte contre la non-qualité, qui coûte chaque année des centaines de millions ; une politique cohérente d’achats (elle n’existait pas !) qui doit permettre de gagner 5,8 milliards chaque année ; une politique d’organisation des produits en gamme pour favoriser le prévendu, alors que les équipes réinventaient le mouton à cinq pattes à chaque appel d’offres ; la consolidation en services partagés des fonctions support pour améliorer la performance et éviter la pléthore et la redondance dans toutes les divisions ; une refonte et une amélioration substantielle des équipements informatiques (il leur sera consacré 350 millions d’euros).

Deuxième volet de la transformation : la réorganisation. Là encore, la vision de Vigneron est limpide. D’abord, il décide d’éliminer les silos. Il est convaincu que ce que l’on découvre en cherchant pour l’espace peut profiter à ceux qui travaillent pour l’air, la mer ou le terrestre et réciproquement. Il pense également que les activités civiles peuvent apporter aux activités de défense et inversement. Il décide donc de sortir les activités recherche et développement des divisions et de les regrouper dans une entité unique pour faciliter la fertilisation croisée et l’enrichissement mutuel. Quand on a la chance de disposer d’un tel champ de compétences, il serait criminel de ne pas les faire travailler ensemble. C’est sa conviction, l’avenir prouvera très vite qu’il avait raison.

En ce qui concerne la politique commerciale, il considère improductif et inefficace que chaque division ait ses propres équipes dans tous les endroits du monde. Elles se marchent sur les pieds, alors même que les conditions du marché ont changé et que sur le terrain le métier exige de nouveaux savoir-faire. En quelques années, et parce que les pays les plus porteurs sont les émergents, on est passé de l’exportation à la coproduction.

Il y a encore peu, on vendait des Airbus ou des Rafales clés en main ; désormais, on ne peut le faire que si l’on accepte un transfert de technologies susceptible de développer de la valeur ajoutée et des emplois dans les pays clients. Sur les 126 Rafales en cours de négociation avec l’Inde, seuls 16 seront fabriqués en France. Vigneron se forge vite la conviction qu’il vaut mieux avoir dans tous les endroits stratégiques des équipes formées et entraînées à ce type de négociation. Il leur reviendra de faire remonter les besoins aux divisions qui défieront les offres avec les équipes de recherche et développement.

Voilà, de façon très résumée, les grands volets du plan de transformation qui doit conduire le groupe à un retour à la compétitivité et à la croissance. Pour Vigneron, le raisonnement est implacable donc il l’applique, mais avec tellement de maladresse…

 

Quand un dirigeant venant de l’extérieur prend le pouvoir dans une entreprise, il a deux solutions. La première consiste à faire venir avec lui des hommes en qui il a confiance, sorte d’affidés sur lesquels il peut s’appuyer, à qui il peut s’ouvrir et se confier. Il écarte alors les dirigeants en place. Le risque est alors de se couper de l’entreprise et de mettre aux principaux leviers des hommes qui ne sont pas au fait d’un secteur qu’ils connaissent mal. Tchuruk le fit quand il quitta Total pour Alcatel, avec les résultats que l’on connaît.

L’alternative revient à s’appuyer sur les cadres en place et tenter de les amener à sa politique, comme Philippe Jaffré le fera quand il prendra la présidence du groupe Elf.

Vigneron privilégie cette deuxième solution, d’abord par intégrité intellectuelle (pourquoi se séparer de dirigeants qui connaissent si bien leurs marchés ?), ensuite parce qu’il a souffert de son éviction du comité exécutif d’Alcatel à l’arrivée de Tchuruk, enfin par excès de candeur (« puisque la politique que je déciderai sera inévitablement la bonne, je n’aurai aucun mal à la faire appliquer. ») Toujours l’équation !

Ce qu’il n’avait pas anticipé, c’est que les hommes et les femmes qui avaient mené jusqu’ici la politique du groupe ne supportèrent pas du tout qu’on dénonce leurs erreurs avec aussi peu de doigté. Au lieu d’avoir un comité exécutif à ses côtés, il se forgea une opposition rampante qui n’allait pas tarder à se répandre, qui dans les cabinets ministériels, qui en off dans les médias.

 

Deuxième erreur : dès son arrivée, il dénonça sans égards ni préavis tous les contrats que son prédécesseur avait signés avec des consultants à ses yeux inutiles et forts coûteux. C’est vrai que Thales en consommait beaucoup. La mission de certains consistait à créer et animer un réseau d’alliés dans les administrations, les assemblées et les ministères pour faire comprendre et favoriser la politique du groupe. D’autres, familiers du continent asiatique, ouvraient des portes bien utiles et facilitaient les choses dans les pays où les habitudes commerciales sont, dirons-nous, inhabituelles. Sitôt chassés, certains d’entre eux mirent toute leur énergie, décuplée par la rancœur, et leur talent à saper la crédibilité de Vigneron auprès de leurs réseaux.

Troisième erreur : il annonça tout à l’envers. Au lieu de proposer une cathédrale capable de susciter l’enthousiasme et de projeter chacun dans un avenir prometteur, il eut recours à une série d’annonces plus désobligeantes les unes que les autres.

Cela commença dès septembre par la dénonciation on ne peut plus maladroite des frais de représentation, de la taille des voitures et du budget voyage. Comme on l’imagine, cela fut du pire effet chez les grands bourgeois de la vente que sont les marchands d’armes. La presse, bien alimentée, se gaussa. Le mois de décembre suivant, il convoqua l’ensemble du management pour présenter sa stratégie. L’attente était forte. Ce président qui, depuis six mois, multipliait les maladresses et les camouflets, allait enfin satisfaire la curiosité en exposant sa vision.

Ce fut celle d’un comptable qui pointa les erreurs du passé, souligna l’impéritie des fonctionnements du groupe en matière de process et finalement caricatura Probasis, son plan de retour à la croissance positive, en exercice de contrôleur des comptes destiné à réduire les coûts. On espérait un archevêque proposant une cathédrale ; on découvrit un sacristain tendant la corbeille au moment de la quête.

Quel gâchis, et surtout quel dommage quand on sait combien sa politique était juste, comme l’avenir le prouvera.

Mais le mal était fait. Vigneron s’était mis tout le monde à dos : la majorité de ses cadres, les pouvoirs politiques et les médias. Il se tailla une image de comptable obsédé par le serrage de boulons, incapable de définir et porter une stratégie pour l’un des plus beaux fleurons de l’industrie française.

 

Ses adversaires buvaient du petit-lait. Ses alliés, peu nombreux, tentaient de le mettre en garde. En vain, puisque l’équation était juste, la vérité s’imposerait.

Pendant toute l’année 2010, il dut essuyer les offenses et faire face au tir en règle organisé par ses ennemis de l’intérieur et relayé par ceux qu’il avait écartés.

Tout le monde participa à cette lapidation. On en trouva chez les anciens dirigeants désormais éconduits, chez les consultants trop heureux d’amasser les pierres, chez les syndicats tellement vexés de voir menacer leur mainmise sur la conduite de l’entreprise. Les médias le déstabilisèrent à l’envi et plus particulièrement un certain Cabirol, journaliste à La Tribune, dont on se demande toujours quel jeu il jouait, tant son insistance et ses contre-vérités étaient suspectes. Pendant des mois, il versa du sel sur une plaie qu’il avait lui-même ouverte, relayant des rumeurs qu’il avait provoquées, au point qu’il fut personnellement mis en cause, fait très rare, dans une note d’analyste financier qui s’interrogeait sur ses motivations.

Mais trop tard, Vigneron était menacé. En décembre 2010, l’Élysée, Matignon, les ministres de tutelle et les parlementaires s’étaient laissé convaincre qu’ils avaient fait une erreur de casting et qu’il fallait se débarrasser de ce président si mal choisi. Seul Charles Edelstenne, le tout-puissant patron de Dassault, le défendait encore, et même vigoureusement, allant jusqu’à piquer une colère mémorable lors d’une réunion de la commission de défense de l’Assemblée nationale où son poulain était une fois de plus attaqué. Il est vrai que luiseul connaissait l’état de fragilité dans lequel le prédécesseur de Vigneron avait laissé le royaume. Lui au moins avait parfaitement mesuré la justesse de la nouvelle stratégie et sa nécessité pour remettre l’entreprise sur pied.

Début janvier, le conseil des ministres trancha : c’en était fini de Vigneron, on allait lui trouver un remplaçant. Il n’y avait plus une minute à perdre et il fallait profiter de ce petit délai pour tenter d’inverser la situation. Edelstenne força la main de Vigneron et le somma de recourir à une méthode qu’il détestait pourtant : l’aide de consultants. Il s’y résolut enfin et en janvier, après des séances de travail avec eux, il reformula la stratégie, la rendit plus lisible, plus audible, plus enthousiasmante. Ils le préparèrent à la porter et lui ouvrirent les portes de l’Élysée, de Matignon, des ministères de tutelle, de l’Assemblée et du Sénat. Ils organisèrent des rendez-vous avec les élus locaux des villes et des départements où le groupe était implanté.

 

Vigneron fait partie de ces hommes difficiles à convaincre mais qui, dès qu’ils le sont, deviennent redoutables. Il se révéla un excellent ambassadeur de sa stratégie. À la fin du premier trimestre 2011, profitant de la présentation de résultats qui n’étaient pas bons (on a vu pourquoi), il fit une démonstration magistrale sur la situation de l’entreprise et sa stratégie de croissance compétitive. Il rencontra les analystes financiers et convainquit les médias.

On commença à penser que l’homme avait peut-être beaucoup plus d’envergure que ce que l’on avait essayé de faire croire. Il fut involontairement aidé par Cabirol, qui publia dans La Tribune le papier de trop. À charge comme d’habitude, il avait dépassé les bornes. Les consultants sautèrent sur l’occasion, convainquirent Vigneron d’envoyer une lettre à tous ses salariés, sachant bien entendu qu’elle « fuiterait » dans les rédactions. Ils la rédigèrent avec une plume de vipère. Sous le titre Hier laxistes,aujourd’hui lâches…, elle fustigeait l’incompétence et l’irresponsabilité de ceux qui cherchaient à déstabiliser le redressement du groupe. Enthousiaste,  Vigneron la signa.

 

Le résultat fut supérieur aux attentes. Les salariés se découvrirent un patron et furent soulagés de voir qu’il répondait, et de quelle manière, aux attaques qui fragilisaient leur entreprise. Bien sûr, il ne manqua pas quelques cadres nostalgiques pour clamer que ces choses-là ne s’écrivaient pas, mais les leaders d’opinion et les médias regardèrent Vigneron avec des yeux nouveaux et commencèrent à penser qu’on les avait peut-être fourvoyés.

 

Vigneron aurait dû profiter de cet état de grâce tardif pour creuser le sillon et partir à la conquête de l’opinion, celle de ses collaborateurs qu’un projet d’entreprise motivant et prometteur pouvait enthousiasmer et définitivement apaiser, mais aussi celle du public qui aurait découvert une entreprise exceptionnelle par ses savoir-faire et les missions essentielles qu’elle remplissait.

 

La conquête s’arrêta là. Au lieu de susciter l’envie, on retourna aux affaires courantes : l’application rigoureuse et piétiste de la stratégie et du plan d’économie.

Les consultants furent chaleureusement remerciés (dans les deux sens du terme) et les ennemis d’hier purent se remettre à l’ouvrage pour obtenir enfin la peau de leur tête de Turc, après que celle-ci eut commis sa dernière erreur, sans doute la plus maladroite : virer son DRH, qui avait l’appui des syndicats, quelques semaines après l’arrivée des socialistes au pouvoir…

Mais le bien était fait, le groupe avait recouvré sa santé. Au point qu’après la publication des résultats au premier trimestre 2013, le cours prit plus de 24 % en une semaine, légitimant la stratégie de Vigneron, et Jean-Bernard Lévy, le nouveau président de Thales, put sortir du feu les marrons que son prédécesseur avait si bien grillés.

Poster une réponse

Votre Email ne sera pas publiée