Quel rôle pour les ressources humaines dans les grands projets de transformation des entreprises ?

On doit le reconnaître : en France, les ressources humaines peinent. Elles devraient accompagner les dirigeants dans la conduite sans cesse plus complexe de leur stratégie.

Ce sont elles qui devraient expliquer, accompagner, mobiliser et atténuer leurs doutes. La dimension humaine est leur matière première, la psychologie leur champ d’intervention. Alors qu’elles devraient transporter, elles freinent le plus souvent les troupes.

 

Pourquoi une telle faillite ?

Les raisons sont multiples. Assommées par une succession de réglementations sans cesse changeantes, elles sont paralysées par la phobie de l’erreur. Avides de s’imposer dans un monde qui les avait très longtemps négligées, elles ont inventé une panoplie de process plus complexes les uns que les autres qui leur confère un savoir-faire abscons d’où elles tirent leur légitimité. Elles sont tétanisées par leurs rapports pour le moins faussés avec les instances représentatives du personnel. Enfin, elles ont confondu motivations et Envie, croyant créer la deuxième en répondant plus ou moins mal aux premières. Ça fait beaucoup.

Ahurie et à juste titre choquée, l’opinion publique a découvert récemment que les collectivités locales se voyaient imposer quelque quatre cent mille normes pour la gestion de leur quotidien, allant jusqu’à préciser la taille des œufs réservés aux élèves de CP dans les cantines scolaires. Vive la  France ! Que dirait cette même opinion en découvrant le fatras réglementaire de la législation sociale ? Ubu revisité par Courteline.

Le Code du travail publié par Dalloz pour l’édition 2012 ne compte pas moins de 3 369 pages, auxquelles il faut ajouter les décrets d’application. Mais ce n’est rien si l’on considère qu’il n’est que la deuxième tranche d’un mille-feuille pompeusement baptisé « l’ordre public social ». Il est précédé par le « règlement du travail européen » puis suivi, dans l’ordre, de la convention collective du secteur d’activité (280 pages pour celui de la publicité et assimilés), des accords de groupe, des accords d’entreprise et enfin du contrat de travail proprement dit qui peut, lui, comporter des clauses prévues dans aucun des autres textes.

Quand on sait que le DRH a le devoir de privilégier le principe le plus favorable, on imagine le temps qu’il passe à faire le saint-bernard dans un fatras de paperasses.

Le pire pour lui est que ces documents ne sont jamais à jour, et ce qui est vrai le lundi ne l’est pas forcément le mardi. Il doit s’appuyer sur la mise au point quotidienne d’organismes qui publient les dernières jurisprudences et les décrets d’application. Chaque matin, la revue Liaisons Sociales envoie à ses abonnés une lettre pour les aider à viser juste dans leurs tâches fastidieuses.

Un bonheur de simplicité et de clarification ! Extrait du numéro daté du 18 janvier 2013 qui comporte 16 pages, toutes du même acabit :

Versement de transport et contributions au Fnal

Dans le cadre de la première étape, qui a lieu en 2013, les employeurs des salariés concernés doivent s’acquitter directement et de manière libératoire, auprès de l’Urssaf (la GGSS, dans les DOM), des majorations pour « indemnités de congés payés » du versement de transport (CGCT, art. L. 2351-2) et des cotisations et contributions au Fnal (CSS, art. L ; 834-1).

 

 A NOTER :

Le taux de ces majorations est fixé par décret n°2012-1552 du 28 décembre 2012 à 11,5 %

 Sic ! Et le tout à l’avenant. Merci Liaisons Sociales car sans elles, c’est l’erreur assurée. Il est bien là, le problème : le syndrome de l’erreur. C’est déplorable, le DRH n’a pas le temps d’animer les ressources humaines de son entreprise, la réglementation le force à gérer les risques.

C’est désormais la première chose que l’on attend de lui, la motivation première de son recrutement. Alors que sa culture devrait être la conquête, il s’est peu à peu forgé un esprit de retraite. Tout le pousse à la prudence. D’abord dire non, et surtout prendre son temps.

On peut le comprendre, car l’erreur mène très vite aux prud’hommes ; la fête commence alors et a de bonnes chances de durer quatre ans.

Si l’on considère que le DRH d’une entreprise de trois cents salariés (essentiellement des cadres) doit traiter quatre nouveaux problèmes tous les jours que Dieu fait et que pour chacun, il doit se plonger dans une batterie de textes dont il n’est pas certain qu’ils n’aient pas changé la veille, on peut imaginer qu’il n’a pas la tête à mesurer le niveau d’envie qui anime les équipes et encore moins à la créer.

Les grandes entreprises ont une surface financière suffisante pour différencier les deux dimensions du métier des ressources humaines, l’une qui touche à l’administration proprement dite et qui est, par nature comme par obligation, fortement juridique, et l’autre qui s’intéresse au développement des salariés et devrait être imaginative et conquérante. Malheureusement, ceux qui sont en charge de la seconde sont trop souvent issus de la première. Ils en ont la formation et leur culture s’est forgée autour du principe de précaution, par essence antinomique de tout développement.

Dans ce contexte pourquoi ne pas mieux répartir les rôles : une personne pour l’administration et les process et à l’autre pour créer l’envie dans l’entreprise et l’animer.

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