Accords compétitivité-emploi : reculer pour mieux sauter ?

Combien de fois nous a-t-on expliqué que le marché du travail français manquait de flexibilité ?

C’est justement à cette problématique que devaient répondre les accords emploi-compétitivité que souhaitaient mettre en place le gouvernement et qui vise à donner de la flexibilité au marché du travail et une certaine marge de manœuvre aux entreprises en cas de crise.

Cette réforme consiste à permettre aux entreprises de fixer au cas par cas la durée du temps de travail et les salaires après négociations. Les décisions prises suite à ces négociations prendraient donc le pas sur la loi et le code du travail.

 

Aujourd’hui plusieurs questions se posent …

Les entreprises sont-elles prêtes à mettre en place ce type de négociation ? Quelles solutions si les négociations n’aboutissent pas ?
Peut-on réellement considérer que le salarié sera à l’abri des abus dans un système de ce type ? En effet il convient de noter que c’est aujourd’hui le code du travail qui définit les modalités nationales « minimales » et les Conventions collectives, issues de négociations par branche d’améliorer les dispositions. Code du travail et conventions collectives permettent aux salariés d’être protégés collectivement contre toute atteinte du patronat.

 

Quels doivent être les contours exacts de cette réforme ?

On se rend vite compte que certaines contraintes juridiques vont entraver la mise en œuvre de ce projet. Prenons juste un exemple au niveau du contrat de travail ; Conformément à sa jurisprudence constante, la Chambre sociale de la Cour de cassation retient, en effet, qu’un accord collectif de travail, quel que soit son objet, ne peut modifier les contrats de travail conclus antérieurement dans l’entreprise. Par conséquent, dès lors qu’il aura un impact direct ou indirect sur un élément essentiel du contrat de travail, notamment la rémunération, la mise en œuvre de l’accord compétitivité-emploi supposera l’acceptation par chaque salarié d’un avenant à son contrat de travail. Le refus de cette modification n’est pas fautif et ne peut donc faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
Avec ces différentes questions on réalise à quel point la mise en œuvre d’une telle loi pourrait s’avérer plus complexe qu’il n’y parait.

Personne ne pourra nier que cette loi, dans un certain cadre, aurait l’avantage de bénéficier à la fois aux salariés (plus faible exposition au risque de chômage, etc.) et aux dirigeants d’entreprise (plus de flexibilité, etc.) ; toutefois c’est l’encadrement d’une telle loi qui pose problème.

 

Peut-on réellement espérer mettre en œuvre une telle révolution, de façon cohérente et concertée en moins de 6 mois ?

À en croire les évènements récents il semblerait que la réponse soit non puisqu’il vient d’être acté par les syndicats que le délai de 2 mois proposé par le gouvernement était insuffisant pour parvenir à un accord. Si cela doit se faire cela se fera donc post élection présidentielle.

Globalement cette démarche s’inscrit dans un cadre de réflexion important qui est : comment redonner de l’air à nos entreprises ? Je comprends que cela puisse choquer lorsque l’on voit les bénéfices affichés par certains grands groupes français et que l’on met en face les niveaux moyens d’augmentation pratiqués dans ces mêmes groupes entre 2008 et 2011, mais il faut bien comprendre qu’il s’agit également de favoriser l’essor des TPE/PME qui elles ont besoin de cette flexibilité.

Il y a aujourd’hui un manque de réflexion de nos hommes politiques sur les PME et leur rôle dans l’économie française. Ne serait-il par exemple pas possible de limiter ces accords à certaines entreprises selon leur taille ? Est-il vraiment normal que des groupes ultra bénéficiaires paient le même niveau de charges sociales et patronales qu’une PME de 10 personnes pour qui le moindre ralentissement d’activité peut être fatal ?

 

Il est dommage que ce débat sur les accords compétitivité-emploi n’ait pas permis d’ouvrir une question plus vaste sur le traitement des PME en France. Croisons les doigts et espérons que nos hommes politiques gagneront en clairvoyance une fois l’élection derrière eux.

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